Des hommes, leurs vins, du Roquefort ... et un Barbu Tchèque.


L'entame s'est faite à Desmirail, le Dimanche 27 avril, avec Pierre Laffeuillade.

Desmirail, je l'avais (re)goûté quelques semaines plus tôt, à Marquis de Terme, lors de la présentation des 2011 en primeur. Et Desmirail y tenait bien son rang de 3ème Cru Classé, c'était même l'un des 4 ou 5 vins qui m'ont paru être sur le dessus du panier : mûr, plein, rond, structuré, avec un joli boisé qui ne l'écrase pas. On ne pouvait malheureusement pas en dire autant de nombre des vins présents ...
Mais ce n'est pas le sujet.

Pierre Laffeuillade aime visiblement ce qu'il fait, aime tout aussi visiblement en parler et, en outre, en parle fort bien et - ce qui ne gâche rien - le fait dans le cadre du chai de Desmirail.



Un chai qui - c'est d'une indigne banalité de le dire ainsi - associe avec talent les structures anciennes et/ou leurs vestiges à quelques avancées plus modernes.

Et ce tant du point de vue du plafond en bateau renversé, des traces de rails sur le plancher surplombant les cuves, ou que de celui des cuves qu'il domine !

Ayant - çà devient une habitude - oublié mon appareil photo, pourtant préparé la veille au soir, j'ai abondamment (et mal) utilisé mon iphone pour illustrer mon propos. Dès lors c'est une bonne raison (excuse ?) pour constater - et regretter - que mes photos ne rendent pas justice au lieu.





Toute visite se terminant fatalement par une dégustation, nous nous sommes retrouvés autour du 2007 ... non : autour DES 2007, puisque tant le second que le premier vins nous attendaient :

- Initial de Desmirail (2007) : un joli second rond, avec une bonne structure. Nez de fruits noirs et d'épices, un poil animal toutefois. Bien à boire dès maintenant !


- Château Desmirail (2007) : 2007 est un millésime décrié ... qui est en train de se révéler. Celui ci est encore un peu jeune à mon goût car il demande, me semble-t'il encore à se fondre. Il est toutefois déjà agréable par son élégance et sa puissance.                                  

 (Jean Rouquet avec Pierre Laffeuillade, notre hôte)


Forcément, avec Jean Rouquet et Pierre Laffeuillade qui, l'un autant que l'autre, aiment raconter, expliquer, commenter, bref : échanger, çà a fini à l'arrache.
Mais, au delà du prétexte de la découverte de vins, le but de la journée était bien de faire se rencontrer des Hommes !

Ergo : à peine le temps pour un sandwich sur les quais de Pauillac (chez Bellet, à ma connaissance la seule boulangerie digne de ce nom à Pauillac), puis un café avant de poursuivre vers Saint Seurin de Cadourne :




Au Domaine Andron, c'est Sébastien Fontaneau qui officiait (Jean-Michel Dubos, qui est arrivé à Andron depuis Saint Emilion (Beauséjour) mais rentrait - ce jour là - d'Espagne, ne pouvait être là) ... et qui nous avait donc préparé "Andron" en 2006, 2007 et 2009, ainsi que son "L'Or des Terres" (en 2009 également).
Donc : Haut-Médoc et Médoc au programme !
"Andron" (vieilles vignes à 70% Merlot, 25 Cabernet sauvignon, et 5% Cabernet franc plantés à 8 000 pieds par hectare), j'ai forcément déjà goûté, mais surtout 2010 et 2011 (2011 depuis les baies avant vendange !), un peu 2009 aussi, mais jamais les millésimes antérieurs.Même chose pour "L'Or des Terres" dans lequel je n'ai mis le nez et le palais que pour la cuve du Cabernet et celle de Merlot, en 2011.

- Andron (2006) : majorité Merlot pour un vin structuré mais, forcément, très rond. Du fruit, des notes de cèdre et de truffe. Déjà prêt (et très bon) à boire, mais peut attendre sans aucune espèce de souci. 15 € la bouteille = sans hésitation !
- Andron (2007) : puissance et équilibre + superbe finale = très belle bouteille (à 14 € !) : ici aussi, 2007 révèle ses qualités.
- Andron (2009) : c'est un bébé du genre musclé ! Robe très sombre, nez intense, grosse structure et excellente maturité : côté tanins, tout le monde est là mais rien ne dépasse. Beau moment de dégustation. On peut boire, bien sûr ... mais attendre est essentiel si on veut lui laisser la possibilité de s'affirmer et, encore s'affiner. Superbe bouteille ! (22 €)
- L'Or des Terres (2009) : le vin de Sébastien est 1/3 Cabernet + 2/3 Merlot. Un rubis soutenu, aux notes très jeunes. L'attaque est très ronde puis laisse la place à une bouche structurée mais sans aucune dureté qui s'achève sur une longue finale aromatique. C'est puissant et élégant, et à 8€ la bouteille totalement indolore ! Superbe rapport Qualité / Plaisir / Prix.
Nous partirons non sans laisser du Baragnaudes, sur la thématique : "mais si, avec le Roquefort (quand il est bon), on peut boire du rouge (quand il est bon)". Et, bons, les vins l'étaient indubitablement.
Malheureusement pas assez de temps pour parler vignes et vinifications ... que j'ai pu apprécier sur le millésime 2011, mais c'est une autre histoire dont je ne parlerai donc pas ici, si ce n'est pour redire que ce sont de fort beaux vins, qui sont élaborés avec soin par gens fort plaisants !


Il nous a suffi, dans la foulée, de pousser jusqu'à Saint Christoly de Médoc pour y retrouver 
Françoise et Stéphane Dief, au Clos Manou :


Le Clos Manou (Manou étant le surnom de Stéphane Dief) ou : comment, en 10 ans, passer de 12 ares à 17 hectares sans faire aucune concession sur le travail des vignes et des vins ni, donc, sur la qualité des vins !

La visite commence par les vignes.
Du rang étroit, de beaux terroirs, un travail au cordeau.
Stéphane Dief (est ce là une conséquence de son passé et son vécu de sportif de haut niveau ?) veille visiblement à tout, à chaque détail.

Ainsi, le Clos Manou est, depuis le début, égrappé à la main ! (photo de gauche)
et soumis à un double tri (grappes puis baies), lui aussi manuel.
Ensuite, la vinification se fait (j'ai envie de dire "bien sûr", 
comme si cela allait de soi .... 
sauf qu'au Clos Manou cela va, en effet, de soi) 
en tout petits volumes
(cuves bois de 10 à 22 hL).

















"J'ai un seul associé : ma femme"

S'ensuit un élevage sous bois associant le savoir faire à l'esthétique (sauf que je n'aimerais pas avoir à aller chercher les 2 barriques en haut à gauche !).
Bois neuf pour le Clos Manou, dont les barriques (1 et 2 vins) serviront ensuite à l'élevage du Petit Manou)


Aussi du temps pour l'échange.  
Surtout du temps pour l'échange ! 




"Le Roquefort Baragnaudes, 
par rapport au Papillon : 
c'est comme un Saint-Estèphe 
et un Carignan de plaine"






 
Forcément tout ceci s'achève sur le but ultime : les vins.
Avec le "Petit Manou" (2009) et le "Clos Manou" (2009.

"l'éléphant" comme décoration et comme logo, 
mais aussi et surtout en allégorie des multiples déménagements de chai et de stocks, faits aux 4 coins de Saint Christoly à l'occasion d'un développement rapide, mais maîtrisé autant que réfléchi.

Petit Manou (2009)
60 % Merlot, 32 % Cabernet sauvignon, 4 % Cabernet franc, 4 % Petit verdot. Vinifié en cuve béton, élevage sous bois (sans bois neuf).
Robe rubis très sombre. Nez de fruits noirs et d'épices. Bouche structurée mais friande, rond, long, très plaisant. Superbe second vin, le seul problème est d'en trouver !

Clos Manou (2009)
60% Cabernet sauvignon, 34% Merlot, 4% Cabernet franc, 2% Petit verdot
Robe très sombre, nez intense de cèdre, de fruits noirs mûrs et d'épices.
En bouche c'est puissant mais très moelleux.
Jean Rouquet le comparera - à juste titre ! - à la rondeur et la suavité d'un Pomerol). Très longue finale aromatique, avec d'incessants retours et un joli fond de verre (mon pêché mignon, le fond de verre, sur ce genre de vin !
A ce stade, il s'appréciera d'autant mieux qu'on lui laissera le temps de s'ouvrir et s'exprimer.
Mais lui aussi est quasi introuvable, il vaudra donc mieux prendre des positions pour le 2011 qui s'annonce splendide !





Forcément, une tournée médocaine de ce calibre ne pouvait s'achever qu'à Arcins, chez Barbier ...

Donc : "le Lion d'Or", à Arcins.




Entame avec des sardines marinées juste parfaites de texture et de saveurs.

Jean-Paul Barbier vient alors nous voir pour s'excuser du retard pris en cuisine. On n'avait rien remarqué, mais puisqu'il nous dit qu'ils sont à la ramasse, on le croit volontiers.



On le croit d'autant plus volontiers que l'annonce de ce retard s'accompagne aussitôt de l'arrivée sur table de son "élixir de patience" : un foie gras mi-cuit au poivre noir, dont la cuisson est millimétrée, le fondant à pleurer et la saveur exemplaire.


Nous attendons donc avec l'élixir ... mais aussi avec un Domaine du Vatican (2009), ce Haut Médoc je le croise sur la carte et vois qu'il s'agit d'un vin de Rabiller.
Rabiller, j'en connais - et apprécie - le "La Peyre" ... mais avais zappé que son Haut-Médoc est le sus dit "Domaine du Vatican". Donc Domaine du Vatican (2009), pour voir.
Bien vu : jolie bouteille que ce Vatican là (en outre, à 14.5 € les 75cL sur table c'est juste imbattable !!! Qui a dit qu'au restaurant, en particulier sur les belles tables, on ne pouvait pas boire de bons vins sans se ruiner ?).

S'ensuit une viande magnifique.
Même si j'ai oublié le prénom et la race de la vache, çà reste un morceau de boeuf idéalement goûteux et parfaitement cuit.
Comme quoi le simple mais bon reste indémodable et quasiment indépassable.
En particulier quand le chef est à la hauteur de Jean-Paul Barbier, que ce soit lorsqu'il officie en cuisine ... ou lors de son passage en salle.
De SES passages en salle.
Car tout en gardant un oeil vigilant sur ses serveurs (de noir et blanc vêtus, à l'ancienne. Qui plus est courtois autant qu'efficaces), c'est attablé avec nous qu'il nous livrera ses histoires de famille (il est le représentant de la 5ème génération à officier ici !), de cuisine, de chiens, de fusils et, donc, de chasse.
Il ne sera même pas refroidi lorsque, alors que contant sa tentative d'achat d'un Barbu Tchèque de haute lignée, Jean Rouquet lui lâchera un fulgurant, splendide et hilarant : "Un Barbu Tchèque ? Ca vaut rien çà ! Il faut acheter français", phrase définitive dans la bouche de l'heureux propriétaire d'un setter (anglais, le setter).

Barbier salue chacun de ses clients qui le quitte, revient invariablement nous voir ... et nous présenter ses chiens.
Bien plus tard, on se quittera donc bons amis et ravis les uns des autres, ainsi que de la soirée passée ensemble ... mais cette séparation ne se fera pas sans avoir flatté une dernière fois le vieux Setter (anglais lui aussi), et le jeune Epagneul destiné à prendre sa relève, tous deux présentés par un JP Barbier rayonnant.






Commentaires