Quo vadis, mon gaillard ?!

Un récent et bref échange avec Nicolas Lesaint (oui, le Nicolas Lesaint, celui de Reignac. Le vin + le blog + les chats = un type recommandable) à propos d'ouverture de restaurant (ben tiens, riche idée mon Nico …), et de business plan foireux m'a remis de multiples épisodes en mémoire.

Mémoire, donc. Aussi (surtout!) les notes prises à l'époque.
Ça tombe bien : c'est un quasi anniversaire puisque le sketch (malheureusement 100% authentique) qui suit remonte au 20/04/2008.
6 ans déjà ?
J'ai du mal avec certaines dates, et toutes celles là en particulier. Mais là je crois que ça commence vraiment à s'éloigner, à tous points de vue.


Bref, ....

Bref, ça faisait quoi ?

Oui ... même pas 3 mois que j'avais quitté mon job avec cette vieille idée de création d'un lieu autour du vin. Autour des vins. Le truc que j'avais cherché et jamais pleinement trouvé.
Le créer à Toulouse, du coup. Ou ses environs immédiats.
Aussi l'idée de vivre autrement. Mieux, quoi !
Je ne savais pas trop quelle était la partie de ce programme la plus facile à réaliser.
Aucune des deux, finalement : des fois tu te poses de ces questions, franchement ...

En tous cas, pour la partie création d'activité, il existait une foultitude d'aides évidentes, affichées, disponibles.
Vivement conseillées, voire même franchement obligatoires pour certaines.

Le parcours de créateur / repreneur d'entreprise.

Avec le recul il me semble aujourd'hui que nombre de ces étapes n'avaient pas pour but de m'aider à créer la mienne, d'activité mais seulement de justifier l'(in)activité de mes différents interlocuteurs (et parfois – souvent – de me piquer un peu de pognon à intervalles réguliers).

Je suis donc allé chercher en tête de liste, à l'ANPE Cadres : une réunion dédiée aux créateurs d'entreprise.
J'en sortais juste, de l'entreprise : le stage, fallait y aller tant que j'étais chaud.

Nous nous étions retrouvés une petite 20aine dans la salle, tous porteurs de projets divers … projets plus ou moins clairs ou crédibles car certains n'étaient visiblement là qu'en désespoir de cause.
Oui : les mêmes quinquas dont on nous parle à chaque nouveau point sur la courbe du chômage. Et bien ils étaient là en vrai, tentant de croire aux vertus salvatrices de la micro entreprise et du statut d'auto entrepreneur (il me faudrait alors un peu plus de deux ans pour les rejoindre).

Bien sur il y avait aussi une animatrice.
Un pur produit du cru : revêtue d'un improbable ... euh ... était ce un gilet ? une étole ? un pull pas fini ?
Si c'était un pull, alors c'était le pull pas fini du genre sans manche mais avec une pointe vers le bas. Pile poil celui que tu crains d'avoir pour Noël (sauf, de toute évidence, si tu bosse à l'ANPE Cadres, ou bien sûr si t'es super fan du
Père Noël est une ordure). Fatalement il était psychédélique le truc : vert bouteille, mal tricoté main, et bien sûr extrêmement laid. Un peu comme certaines des présentatrices météo de France 2, mais en bien pire.
En résumé : le genre d'accessoire qui te met vachement en confiance quand tu viens là chercher du soutien et des conseils. Oui, je sais : il faut pas présumer des qualités intrinsèques de l'impétrant à la seule vue de son aspect extérieur.
M'enfin ...

Quoiqu'il en soit de ses vêtements (critiquables), puis c'est pas bien d'attaquer les gens sur leur aspect (mais c'est tellement bon et puis des fois c'est super dur de se retenir !) elle avait bien appris sa leçon.
Enfin, quand je dis "bien" ... disons : "assez bien pour la réciter, mais pas assez bien pour l'assimiler et, du coup, se débarrasser du carcan".
Elle déroulait donc çà, dans l'ordre et sans fantaisie.

Ca me rappelait vaguement mes cours de latin de 3ème. La prof,
Mlle L., avait des collants improbables autant que mauves et, au troisième trimestre, j'étais au fond de la classe à lire Astérix (en français). C'est pour cette raison que mes bases latines sont si solides : Quo vadis mon gaillard et Singularis porcus. Aussi Saccharomyces cerevisiae, mais ça c'est un acquis bien plus tardif.
Après s'être installés quelque part dans le cercle centré sur notre animatrices (ah, les joies de "la dynamique de groupe pour les nuls" ...), on a bien sûr commencé par se présenter.
Tu sais ? ce vieux truc pour créer la cohésion. Ce truc éculé qui commence, justement, par : "qui commence ?" et, après 3 plombes de silences gênés, commence laborieusement et se résume à une longue suite de :
"je m'appelle machin, je veux faire ceci, et je viens ici car j'ai besoin de cela".
J'ai déjà donné plein de fois dans ce vieux poncif qui consiste encore et toujours à se réduire à ce que l'on est dans un codage particulier et super restrictif. Mais pourquoi pas une fois de plus, après tout ?
Dans le lot, y en a une que j'ai de suite adorée :

"je m'appelle N., je fais des trucs dans une association. Enfin je fais ces trucs et l'asso facture et me file le pognon. Et je me demande si au niveau comptable et financier ce serait pas plus intéressant de faire çà dans une société".

Ensuite, vert bouteille en triangle a commencé par nous donner des statistiques supposées nous convaincre qu'on avait raison d'être là : en particulier un pensum sur les hallucinants taux d'échec de ceux qu'étaient pas venus à l'ANPE Cadres, les sots !
A la réflexion je crois pas qu'elle nous ait donné le taux d'échec de ceux qui y sont venus. C'est ballot ...
N'empêche : accueillir des gens dont la plupart viennent de se faire virer (et qui pour l'immense majorité se résolvent, en désespoir de cause, à tenter de créer une vague activité en tentant de faire semblant d'y croire) en commençant par leur débiter les échecs catastrophiques et autres tombereaux de dettes qui les attendent ...
Autant dire que quand t'es dans la salle et que tu te mange le calicot vert + les stats : soit t'a un putain de complexe de supériorité, soit tu sors et tu te tranche les veines direct !
Moi j'avais encore un
ego surdimensionné.
Ca aussi c'est ballot.

Puis le point 1. a suivi.
Le point 1 ?
Idée et questions à se poser.
J'étais assis entre une journaliste scientifique (qui a fait des piges à
La Dépêche. Ça nous a fait marrer 10 bonnes minutes çà : les piges scientifiques pour La Dépêche : ça sent le très haut niveau de déconnade quand tu les rédige ! et une traductrice au délicieux accent espagnol.
Je garde un souvenir assez flou de leurs projets,un truc branchouille sur l'un ou l'autre réseau, donc je ne sais pas ce qu'elles sont devenues. En même temps quand t'as écrit des articles scientifiques pour
la Dépêche tu peux affronter le vaste Monde !
En tous cas on a tous trois vite récupéré nos habitudes de fac en ricanant sous cape devant les contorsions de notre animatrice (mon autre habitude de fac c'était de ricaner sous cape à côté des jolies filles, et d'essayer de les faire ricaner aussi)
. Puis là on savait qu'il n'y avait pas d'exam à la fin, ou alors bien plus tard : le truc du taux d'échec, là .... mais comme "avoir raconté des conneries aux voisins" était pas listé dans les stats de vert bouteille en triangle on a imaginé qu'il ne devait pas y avoir de souci majeur ...

Donc, avec mes deux voisines, confrontés à cette improbable réunion d'
information nous menons un débat amusé au début, puis rapidement consterné. Pour ma part, et comme d'habitude quand on me parle de stats (enfin quand quelqu'un qui sait visiblement pas ce que c'est m'abreuve de stats à la con), Aaron Levenstein est venu à mon aide :
"
les statistiques c'est comme le bikini : ce qu'elles dévoilent est suggestif, ce qu'elles dissimulent est essentiel".
Comme toujours : gros succès d'estime.
Merci
Aaron.

S'ensuit le point 2 (rien à redire à la construction de l'exposé : c'est d'une logique implacable).

Les études à mener.

En fait d'études à mener, elle nous liste où on peut faire les études, qui plus est en jargonnant un max.
De l'INSEE à l'ODIL on passe par l'EMT et autres CFE ou Kompass.
C'est bien sûr d'un inintérêt total.

Ainsi on prétend, sans rire, nous apprendre qu'avant de créer une société il faut définir son statut juridique, puis l'inscrire et la constituer.

Putain : heureusement que je suis venu, sans ça j'y aurais pas pensé deux minutes.

C'est heureusement c'est là que l'air de rien l'ineffable N. glisse :

"là, je fais des trucs dans une association. Enfin, je fais des trucs puis l'asso facture et me reverse le pognon. Et je me demande si, au niveau comptable et financier, ce serait pas plus intéressant de faire çà dans une société ? ... puis je veux pas payer d'impôts en fait".


Suivent
les structures de conseil.
C'est le point 3., oui.
Et ça me fait
vraiment plaisir que tu suive. A peu près autant que moi à ce moment là.
L'ANPE y figure.
C'est rassurant. Enfin, ce devrait l'être.
Car on nous assène alors les OPG, OPI et EPCRE. Ce qui me renvoie furieusement à mes années au
CFPPA de Tarn et Garonne, années passées - entre autres choses - à travailler sur des référentiels de formation pleins de trucs objectifs à base, justement, d'Objectifs Terminaux d'Intégration et autres terminologies somme toute assez réjouissantes quand on décide de ne plus totalement y adhérer.

Ca commence à bien partir en vrille au point 4.
les aides financières.
Tu m'étonne ... on est tous là pour savoir combien on va pouvoir gratter au contribuable, c'te blague !
L'INSEE on en a rien a péter, on veut juste du pognon et savoir ce qu'il faudra faire pour faire semblant d'avoir droit au max de thunes  !!!
On sent donc un net regain d'intérêt dans la salle.
Surtout chez N., celle qui nous rappelle :

" je fais des trucs dans une association. Enfin, je fais des trucs puis l'asso facture et me reverse le pognon. Du coup je me demande si au niveau comptable et financier ce serait pas plus intéressant de faire çà dans une société, mais j'aimerais bien toucher des aides aussi, bien sûr sans payer d'impôts. Puis est ce que je peux aussi avoir des aides si je crée une association ? enfin, une autre ..."

A ce stade, une ex cadre pose une question technique à vert bouteille en triangle, une question sur une modif de l'ACCRE . LA putain de question que ceux d'entre nous qui ont un cerveau et l'ont utilisé pour préparer la réunion ont sur la langue.
La réponse est claire :
« ce n'est pas arrivé jusqu'à nous ». Normal.
Ce serait pas la même chose si on était dans un centre de conseil, mais là, bon, on comprend qu'elle soit pas au courant d'un truc pondu par ses services et qui est à l'origine de notre présence dans ses locaux. Avec elle comme formatrice.
Dès lors on se rendort illico et elle égrène la liste des Conseil Régional, Chambre des métiers, SOFARIS, ...
Ok, compris : elle est en reconversion professionnelle, après avoir bossé aux
Pages Jaunes.
Je vois que çà d'à peu près acceptable, comme explication.

Le morceau de bravoure arrive avec le point je sais plus combien (dans mon coma ricanant entre les deux voisines pré citées, j'ai en effet du en rater quelques uns de points.) : les
chéquiers conseil.
Le calcul du coût réel du chéquier nous prend un moment.
C'est assez surprenant : elle est en fait infoutue de nous dire ce que çà coûte
vraiment ce truc !
L'ex cadre que çà commence visiblement à gonfler sévèrement lui fait donc état d'un document donnant des infos contraires à celles qui viennent de nous être laborieusement ânonées et assenées.
Ca donne un dialogue surréaliste :

* "ce que vous me dites, je l'ai vu nulle part" (çà c'est de vert bouteille en pointe, tu l'avais compris)
- "ben c'est dans ce document. Et ce document c'est vous qui me l'avez donné quand je suis entrée dans la salle"
* "ah bon ? vous me le montrez ce papier ?"
- "voilà ..."
* "ah ben oui ... Mais de quand çà date çà ?"
- "..."
* "ah, c'est de la semaine dernière ! J'ai pas eu le temps de le lire. Vous savez çà change tout le temps. C'est pénible. Ah, on fait pas un métier facile".

 

Cà, c'est le coup de grâce, et on sombre illico dans un sommeil salvateur.

On se réveillera un peu, juste un peu, quand elle abordera le point 3629 bis :
le dossier ASSEDIC.
Là on se dit qu'au vu de la proximité ASSEDIC / ANPE on a peut-être une chance d'apprendre un truc utile qu'on sait pas déjà ?
On se rend compte qu'on s'est trompés. Et lourdement. En effet, quand on en vient à la seule chose qui nous intéresse encore un peu :

"bordel : combien de pognon on va avoir ???"
on se rend compte qu'elle est pas foutue de nous donner le mode de calcul des différentes options. Faut dire qu'il y en a quand même D-E-U-X, d'options et que çà fait de suite un paquet de possibilités, bien plus que ce qu'elle est à même de gérer en simultané !
Puis c'est une question tellement annexe qu'on a certainement jamais du la lui poser !
Du coup, la seule réponse sensée qu'on aura est :
- "référez vous à la note ASSEDIC qui traite du sujet".

C'est à ce point culminant de foutage de gueule que je commence ma profonde méditation à propos de l'élevage d'escargots sur sols acides : çà pose des putains de problèmes rapport à leur coquille qui est calcaire. Et comme tu sais l'acide et le calcaire font pas bon ménage.
Ah c'est pas facile la vie d'éleveur d'escargots sur sols acides ! Un peu comme conseiller à l'ANPE cadres, quoi.
6 ans après, j'ai quand même encore un peu de mal à en rire.

Sinon il paraît que ce mois ci le chômage des seniors a presque pas monté.
Il faut dire qu'on a de vrais professionnels de la réinsertion qui bossent dur pour ça.

(oui : des fois, sur certains sujets, j'ai des difficultés à trouver une fin rigolote et positive)

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