Boire un mojito c'est comme manger un aligot saucisse.


C'est Marlo qui, via Facebook, m'a mis le truc sous le nez après l'avoir lu dans La Dépêche.

L'heure est grave : l'invention hygiéniste du moment semble être une étude qui, selon "L'Express" (et quelques autres), nous dit qu'un cocktail contient autant de calories qu'un cheeseburger.

Ça fout les jetons.

C'est le burger qui fout les jetons, mais c'est surtout son corollaire : la demande d'une nouvelle mention obligatoire sur l'étiquette de nos alcools préférés, leur richesse calorique.

Le genre de truc facile à mettre en place (pour les producteurs de vin je te parle même pas de la variabilité de lot à lot, ni de l'évolution dans le temps) mais qui aurait au moins l'avantage d'ouvrir un nouveau marché captif au laboratoires d'analyse (après les allergènes, il fallait bien ajouter çà).

Alors c'est quoi cette chose qui nous vient de la perfide Albion ?

Ca s'appelle Increasing awareness of "invisible" calories from alcohol et ça sort tout juste de la Royal Society for Public Health.
Du lourd.

Que nous y dit on ?
- que l'obésité et la surconsommation d'alcool sont des menaces pour la santé publique,
- que l'obésité a été étudiée tant dans ses causes, que dans ses effets ou du point de vue épidémiologique,
- que les dangers de la surconsommation d'alcool ont également été étudiés,
- que les effets de la vie sédentaire et d'une nourriture trop riche en graisses et sucres sur notre taille (du point de vue de nos jupes et pantalons ...) sont connus mais que, dans ce cadre là, très peu d'études portent sur les effets de l'alcool.
Jusque là on sera d'accord.
C'est fatal.

C'est après que ça se gâte, car s'ensuit non pas par une étude (comme le prétendent nos journaux préférés) mais bien une revue de littérature.
Et c'est pas tout à fait la même chose !

Car, comme tout exercice de ce genre, cette revue de littérature a pour but de nous amener précisément là où l'on veut nous mener.

Ici, c'est donc quelque peu à charge et ça n'apporte bien sûr rien de réellement nouveau puisqu'il s'agit de faire une compilation en forme de sophisme :

1. quand on prend trop de calories on est trop gros,
+2. dans l'alcool y a des calories,
=
3. quand on prend trop d'alcool on devient trop gros.

=> il faut E-T-I-Q-U-E-T-E-R !
(Après, si on devient gros c'est moins grave puisqu'on aura été prévenu avant).

(c) alcool info services
Mais concrètement que trouve-t'on dans cette revue de littérature, et comment est ce transcrit journalistiquement ? Par exemple :

- apport journaliers recommandés en calories pour un adulte : selon si on est femme ou homme ils vont de 2000 à 2500 kcal.

- une unité d'alcool "pèse" 56 kcal.



Dans l'article indiqué plus haut, L'Express nous indique que : 
"Les boissons alcoolisées sont souvent élevées en calories, souligne la RSPH. Leur consommation régulière peut donc mener à une prise de poids. On estime que les alcools apportent 10% de l'apport calorique quotidien de chaque adulte qui boit."

Au delà de la traduction partielle et partiale et des guillemets bien mal placés (on peut se référer au texte d'origine pour s'en convaincre, par exemple le  : "among adults who drink, it is estimated that nearly 10% of their daily calorie intake typically comes from alcohol"), de quoi s'agit il ?

De 10% de l'apport calorique quotidien ?
Sur la base de 2500 kcal / jour pour un homme ça nous ferait 250 kcal provenant de la consommation d'alcool.
Pour en arriver là çà veut dire qu'un homme "moyen" se taperait au bas mot 400 ml d'alcopop (ou une grosse demi bouteille de rouge ou de blanc sec vers les 13°) par jour, chaque jour.

J'aurais tendance à dire qu'à ce niveau, le problème majeur ne viendra ni des calories ni de l'obésité (d'ailleurs l'alcoolisme chronique a plutôt tendance à faire maigrir de façon effrayante).
Rappelons en effet que selon l'OMS le seuil de consommation excessive d'alcool commence à 28 verres par semaine chez les hommes (14 verres chez la femme) ... soit pour un homme précisément 4 verres par jour, chaque jour : pile poil la valeur qui nous est indiquée pour atteindre ou dépasser les 10% de l'apport calorique quotidien.

Au lieu de "chaque adulte qui boit" traduction critiquable de ce "among adults who drink" il faudrait donc peut être préférer "parmi les adultes alcooliques".

La priorité pour prendre en charge les alcooliques serait donc de s'assurer qu'ils veillent à ne pas dépasser leur apport calorique quotidien recommandé ?
Si c'est pas çà, j'ai comme un doute affreux qui me tenaille : prendrait on pour exemple la part de la population qui souffre d'une maladie afin d'imposer une nouvelle norme à l'ensemble de la dite population ?

Un autre extrait est, pour le coup, plus satisfaisant :
"Le lien entre l'alcool et l'obésité est complexe, poursuit l'étude. L'alcool ne peut pas être stocké dans le corps, cependant sa transformation en acétate dans le foie et son passage dans le sang limite le gras que le corps brûle. De plus, les boissons ne comportent pas que de l'alcool, mais aussi du sucre."
Il y a donc des nuances à apporter, et elles ne sont pas à la marge.
Ça a le mérite d'être mentionné (mais quand même : avis de sale temps pour les blancs doux ...), pour autant le discours ne varie pas d'un iota.

Avec l'aligot saucisse je préfère le Petit Manou au mojito



Anecdotiquement : l'accroche des articles en forme de 1 cocktail = 1 cheeseburger (ou, en ce qui concerne mon hommage à Marlo pour m'avoir dévoilé la chose : 1 mojito = 1 aligot saucisse) est certes racoleuse ... mais à peu près absente du papier en question, au moins sous cette forme là !
On ne la trouvera que sous la forme d'un lien internet vers un outil amusant figurant au point [10] de la biblio .

C'est rigolo ce truc : çà transforme un volume donné d'un alcool donné en nombre de calories, et en équivalents burgers / heures de course à pied. 
Oui, je suis un affreux faussaire : il n'est nulle part question d'aligot saucisse. 
On a les références qu'on peut : eux c'est les burgers et les alcopops, moi c'est l'aligot saucisse et le Petit Manou. Mais peut-être est ce là la vraie question : l'éducation et les références alimentaires ...




En tous cas cet outil, vous je sais pas mais moi c'est pile poil le genre de truc qui me donne envie d'aller faire un barathon, à savoir : tous les bars d'une rue jusqu'à avoir bu l'équivalent de 42 km 195 !
Ça tombe bien c'est mon anniversaire aujourd'hui ...


Sinon, au delà des conséquences de ce barathon sur mon poids, on peut raisonnablement s'inquiéter de celles qu'aura sur les étiquettes de nos vins la demande faite, à l'appui de ce document, par la RSPH auprès des autorités européennes en vue d'obtenir mention et étiquetage obligatoire de la valeur calorique des boissons alcoolisées ... avant de les imposer, ensuite, aux bars, super marchés et autres points de vente (si, si : c'est marqué à la toute fin du document !).


Je me vois bien, tiens, hésiter entre un Margaux et un Pauillac (ou même un Vin de France) et puis finaliser mon choix en fonction de leurs valeurs caloriques respectives ...
A pleurer.

Indiquer la valeur calorique sur l'étiquette du pinard ?
On a pas le cul sorti des ronces, je vous le dis ...

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