Sud Ouest, vraiment très très à l'Ouest ...


Ça attaque fort :

"L’offre des vins dépourvus de produits chimiques se multiplie. Voici ce qu’il faut savoir pour s’y retrouver dans le casse-tête des dénominations et des labels"

Oui, c'est l'entame d'un papier récemment paru dans Sud-Ouest.
Il est signé de Cathy Lafon, son titre ?

"
Bio, vegan ou naturel… comment choisir son vin "écologique" ?"



"Voici venir Noël et les agapes de fêtes de fin d’année… L’occasion de déboucher de bonnes bouteilles, en famille et entre amis. Et de déguster des vins rouges, blancs, rosés ou champagnisés, goûteux… et "sains". Soucieux de protéger leur santé et l’environnement, de plus en plus nombreux sont les consommateurs à avoir soif de produits élaborés avec moins de substances chimiques. Voire zéro."

Des vins sains et (car !) élaborés avec moins de substances chimiques ?
Le ton est donné, on va avoir droit à un remake de "Voyage au bout de l'Enfer".
"Le revers de la médaille, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de bien choisir son vin "écologique". Au delà de l’absence de pesticides, qu’est-ce qui distingue un vin vegan d’un vin bio, naturel ou biodynamique ?"

Ah, donc dans les vins vegan, bio, naturels, biodynamiques il n'y a pas de pesticide ?
Mais au fait, un pesticide c'est quoi au juste ?
Un pesticide est une substance qui permet de lutter contre
les insectes, les champignons, certains végétaux, les parasites.

Merci de noter deux éléments très factuels qui semblent échapper à Sud-Ouest et sa journaliste :
- entre autres produits : le purin d'orties, le cuivre, le soufre, la roténone et même - pourquoi pas ? - le trichoderme sont des pesticides ET des produits parfaitement naturels.
N-a-t-u-r-e-l-s. Bio.
- il y a du cuivre dans tous les vins (sauf traitement spécifique visant à l'éliminer). Qu'il soit bio ou pas, le vin. Or le cuivre est un pesticide.
Note bien : je te dis pas que c'est dangereux, je te dis juste que "
Au delà de l’absence de pesticides" est au mieux inepte, au pire mensonger.

Bref : ça commence mal la plaisanterie.
Et ça enchaîne sur le même tempo :

"Qu’y a-t-il dans une bouteille de vin "classique" ? 
Pas besoin d’être féru d’œnologie pour savoir qu’un vin n’est que très rarement du seul jus de raisin fermenté. La méthode la plus répandue en viticulture (90% du vignoble français), utilise tous les outils et produits chimiques autorisés par la réglementation, de la culture de la vigne à l’élaboration du vin. Aussi, les bouteilles de vin dit "conventionnel" contiennent des traces de résidus de pesticides et d’additifs de synthèse. Du saccharose, utilisé sur les raisins tout juste vendangés, pour augmenter le degré d’alcool, de l’acide tartrique pour acidifier et du carbonate de calcium, du tartrate de potassium ou encore du bicarbonate de potassium… pour désacidifier. Pour modifier l’aspect du vin lui-même, améliorer sa conservation et le normaliser, les vignerons ont également recours aux antioxydants et aux produits de collage, une pratique ancienne destinée à filtrer les impuretés et à stabiliser le vin."
Voilà : t'es pas en bio, alors forcément tu utilises comment dit elle déjà ? ah oui : "tous les outils et produits chimiques autorisés par la réglementation, de la culture de la vigne à l’élaboration du vin".
Genre
Ali le chimique pour les nuls. La preuve ?
"
les bouteilles de vin dit "conventionnel" contiennent des traces de résidus de pesticides et d’additifs de synthèse."

Sans déconner ? On peut avoir des exemples ?
Ouais ?
On peut ?
Cool ! Alors vas-y envoie !

- Du saccharose, utilisé sur les raisins tout juste vendangés, pour augmenter le degré d’alcool,
Alors oui, en effet, il arrive que l'on chaptalise. Je l'évoquais dans un précédent billet.
Ceci dit, force est de constater deux choses : le saccharose (le sucre donc, hein ?) n'est ni un pesticide ni un produit de synthèse et, en outre il n'en reste pas dans le vin puisqu'il est transformé en alcool (à la rigueur il restera un chouia de fructose).
Bref : c'est nawak.


- de l’acide tartrique pour acidifier
Certes.
On pense ce que l'on veut du fait d'ajouter du tartrique.
Il n'empêche que l'article dit encore une fois n'importe quoi puisque d'une part le tartrique n'est, lui non plus, pas un pesticide et que, d'autre part, l'acide tartrique est un acide parfaitement naturel qui est, d'ailleurs, l'acide principal du vin.
Oui, tu me vois venir : l'acide tartrique il y en a dans tous les vins, bio, nature, biodynamique ou pas.
Mauvaise pioche. Je ne comprends donc toujours pas l'argumentaire qui nous est servi.


- du carbonate de calcium, du tartrate de potassium ou encore du bicarbonate de potassium… pour désacidifier.
Ouais, en effet, on peut désacidifier. Là aussi on en pense ce qu'on veut, c'est pas le sujet.
On remarquera tout de même que si on s'est fait chier à acidifier, c'est pas pour désacidifier dans la foulée.
En outre le bicarbonate de potassium, qui permet de désacidifier, ne reste pas dans le vin fini. Pas de résidu.
Anecdotiquement : le tartrate de potassium n'a pas pour fonction de désacidifier mais seulement d'empêcher les précipitations tartriques. Ouais on s'en fout, c'est technique donc chiant. Sauf que çà me gonfle de lire des trucs dogmatiques et faux. En même temps çà commençait par : "
Pas besoin d’être féru d’œnologie". Pas besoin ?
Sans déconner ? j'aurais pas deviné ...


- antioxydants
Ouais. Du genre un truc super dangereux. Un acide.
L'acide ascorbique.
Ça craint velu.
Bon l'acide ascorbique est aussi un acide naturel du vin.
Et son petit nom c'est Vitamine C.
Comment ?
Non, en effet : c'est toujours pas un pesticide.
Quant à sa toxicité ...


- produits de collage
Toujours pas des pesticides, toujours pas toxiques, un paquet de parfaitement naturels du genre colle de poisson (grands vins blancs) ou albumine d’œuf (rouges structurés). Des trucs dont l'usage remonte a minima au XVIème siècle, donc pas le genre progrès mortifère.
En outre là aussi il n'en reste pas dans le vin dès lors que le vigneron sait faire un soutirage.
Et en principe il sait.


"L’agriculture bio interdit l’usage de tout phytosanitaire (pesticide, herbicide ou fongicide) pour la culture de la vigne. En revanche, elle autorise en quantité limitée, la bouillie bordelaise (sulfate de cuivre) pour lutter contre le mildiou et le soufre contre l’oïdium, deux maladies qui font des ravages dans les vignes en régions humides. Elle remplace les engrais chimiques par du compost ou des produits naturels bio-stimulants. La vinification autorise les raisins et produits ajoutés (alcool, sucre dans certains cas) s’ils sont certifiés bio. Certains procédés œnologiques sont toutefois interdits, comme la désalcoolisation et le chauffage à haute température."

Voilà : donc le bio interdit les pesticides mais autorise la bouillie bordelaise ... qui est un pesticide
La bouillie c'est cet article ...

Sinon "La vinification autorise les raisins", et c'est trop cool.
Aussi "Les produits ajoutés (alcool, sucre dans certains cas) s'ils sont certifiés bio".
Pas que.
Loin de là.
On cause règlementation ou là aussi c'est pas la peine "d'être féru" ?
Soupir ...

"Deuxième famille, celle des vins biodynamiques, certifiés Demeter ou Biodyvin. Labellisés bio, ces vins sont produits selon les méthodes de culture et de vinification de la "biodynamie". Un terme barbare qui désigne une viticulture influencée notamment par le calendrier lunaire. Esotérique pour certains, continuité logique après une certification bio pour d’autres, la biodynamie est une sorte d’"homéopathie" de la vigne : elle permet de renforcer l’écosystème global des plantes afin que le milieu s’équilibre de lui-même pour lutter contre les agressions.
Très restrictive sur les intrants autorisés, la biodynamie qui proscrit bien évidemment les pesticides, supprime aussi les enzymes, levures et tanins. Elle diminue les doses de cuivre au profit de tisanes, d’huiles essentielles, d’un travail important du sol et de préparations naturelles (à base de bouse de vache ou de silice), tout en gardant des agents de collage."
La vallée de larmes (Gustave Doré)

"
elle permet de renforcer"
... j'aurais tellement aimé lire "elle permettrait", mais non.

Ce monde est une vallée de larmes.



Bon sur la biodynamie, ses revendications, ses fondements et son cosmique de répétition je vais pas en remettre une couche.
Ou alors juste une petite, un rappel des bases élémentaires ?






"Une troisième option s’offre au consommateur : celle des vins "nature" ou naturels, au marché encore confidentiel. Produits sans aucun intrant, ils n’ont pas de définition officielle et la mention "vin naturel" est interdite sur l’étiquette. L'adhésion aux chartes de l’Association des vins naturels (AVN) ou de l’association Les vins S.A.I.N.S (Sans aucun intrant ni sulfite ajouté), peut toutefois être mentionnée.
Issus de l’agriculture durable, composés de jus de raisins biologiques ou biodynamiques, les vins naturels sont vendangés à la main et vinifiés sans aucun retrait ni ajout. A l’exception du soufre pour les vins AVN qui tolèrent une pincée de sulfites ajoutés. "



Scoop : là j'ai rien à dire.
Enfin ... sauf qu'il y a du cuivre - donc un pesticide - (et qu'il peut y avoir quelques pouièmes de soufre) mais cela découle de ce qui figure plus haut.
Puis y a de l'alcool (un cancérigène reconnu), il peut également y avoir du carbamate d'éthyle, de l'ochratoxine A et autres plaisanteries parfaitement naturelles (Google est ton ami).
Juste pour dire que, à mon grand regret, le vin sain n'existe probablement pas.
Je te rassure : ça m'empêche pas de picoler. Ça m'empêche juste de dire trop de conneries.
Des fois.

"Un vin bio, biodynamique ou naturel n’est pas pour autant vegétalien ou vegan. La caractéristique d’un vin vegan, c’est sa composition 100% végétale. Il est produit et fabriqué sans qu’aucun animal ou produit d’origine animale ne soit utilisé,  des rangs de vigne à la cave. Pas question de recourir à un cheval de trait pour les labours !
Pas d’intrant chimique non plus, bien sûr, c’est la base. Ni même de levures. Et surtout, dans l’étape du "collage", aucun produit d’origine animale (blanc d’œuf, gélatine de porc, colle de poisson ou caséine de lait) pour faire coaguler les plus grosses particules en suspension dans le vin. Afin de le rendre limpide en filtrant les impureté, le vigneron vegan ne peut recourir qu’à des protéines végétales (blé, petits pois, pomme de terre), des extraits protéiques de levures (EPL), des produits dérivés de la chitine (algues, champignons) ou encore des colles minérales, comme la bentonite (une variété d’argile). 

De grands vins passent aujourd’hui au vegan, à l’instar de Château Dauzac, grand cru classé de Margaux en 1855, qui vient d’adopter une nouvelle technique de collage 100% végan."

Pour les vegan : "Pas d’intrant chimique non plus, bien sûr, c’est la base." !?!
Ah bon ?
Les vegan refusent la chimie ??

Ça sort d'où cette joyeuseté !?

Sans déconner ...

Je tiens en outre à signaler à l'auteur
qu'un vin biodynamique NE PEUT PAS être vegan.
C'est ballot pour ce qui lui tient lieu de démonstration mais c'est ainsi, et je l'évoquais dans ce billet.

En résumé : quand tu préconises le recours  à des préparations à base de crâne de ruminant (ou de chaton), de mésentère de vache, de corne de vache ou de vessie de cerf c'est un peu touchy de prétendre au label vegan.
Ce "détail" a dû échapper
à Cathy Lafon et c'est regrettable.


"Et le goût ?

La bonne nouvelle, c’est que d’énormes progrès ont été faits ces vingt dernières années pour le goût et l’équilibre des vins bio, biodynamiques et vegans, qui comptent aujourd’hui un certain nombre de grands crus. Mais ce ne sont pas des vins standardisés (c’est aussi leur intérêt) et il faut parfois accepter plus d’aspérité au palais.
Considérés par leurs producteurs comme les vins les plus authentiques, les vins naturels, plus fragiles car leur fermentation n’a pas été arrêtée, peuvent surprendre par leur rusticité et leur vivacité. Il arrive que les premiers verres dégustés pétillent légèrement. Ce n’est pas un défaut : les vignerons qui sont en "nature" et n’ajoutent donc pas de sulfite, ou très peu, peuvent garder ou mettre du CO2 (issu de la fermentation ou non) afin de protéger le vin. Pour y remédier, on mettra le vin en carafe que l’on secouera si besoin, afin que le gaz s’échappe plus rapidement, avant de le laisser reposer. Dans tous les cas, il est fortement conseillé de carafer les vins naturels, afin de les oxygéner."

Florilège :
- "Mais ce ne sont pas des vins standardisés"

Si t'es pas bio / biod / nature / vegan t'es standardisé ?
Voilà : "
vins bio, biodynamiques et vegans, qui comptent aujourd’hui un certain nombre de grands crus".
Par exemple
Palmer ou La Romanée-Conti.
B
en figure toi qu'avant d'être en biod, Palmer et la Romanée Conti
c'était donc que de la grosse daube standardisée.
Soupir ...


- "
les vignerons qui sont en "nature" et n’ajoutent donc pas de sulfite, ou très peu, peuvent garder ou mettre du CO2 (issu de la fermentation ou non)".
Je rêve ou on nous glisse que les mecs ajoutent du CO2
(un truc mortel hein le gaz carbonique !) chimique car pas issu de la fermentation DANS LEURS VINS ?
Sinon on a beau nous dire :
"
Il arrive que les premiers verres dégustés pétillent légèrement. Ce n’est pas un défaut"
...
je considère pour ma part que si j'achète un vin tranquille (pas un effervescent) et que ce vin qui n'est pas effervescent fait des bulles il se pourrait bien que ce ne soit pas tout à fait normal et que cela se rapproche donc fâcheusement de ce que certains esprits chagrins considèrent être un défaut.
Même si Sud Ouest nous dit que ce n'en est pas un.
(PS un rien taquin : vu que dans une quille il y a grosso merdo 5 ou 6 verres, si "les premiers" pétillent la messe est dite #jdcjdr)



- "
Dans tous les cas, il est fortement conseillé de carafer les vins naturels, afin de les oxygéner."
Faut voir.
Car si tu oxygènes fortement un vin dépourvu d'anti oxydants avant de le laisser en carafe t'as peut-être pas le cul sorti des ronces ?
J'te dis pas que c'est obligatoire hein ? J'te dis juste qu'il faut peut-être y réfléchir à deux fois.

Bon, tout ça pour dire - encore une fois - que non non pas de souci : il y a plein de questions qui méritent d'être posées tant à propos des techniques viti vinicoles que de tel ou tel produit qui peut être (qui peut être, pas qui est systématiquement) utilisé pour telle ou telle raison dans telle ou telle circonstance.
Des questions méritent d'être posées, et appellent réponses. De vraies réponses.
Dans ce jeu là, la presse a (devrait  avoir !) son rôle à jouer tant pour poser les questions que pour faire un état de l'art" et une réelle information de son lectorat.
Certainement pas en faisant cet infâme globiboulga dans lequel tout se mélange dans la plus consternante des médiocrités argumentatives.


Sur ce je vais m'oxygéner en allant boire un joli Jurançon sec dont je ne sais pas s'il est bio ou pas (et dont je causerai peut-être plus tard dans un billet un rien moins énervé mais aussi vachement moins drôle).
Remarque vu qui me l'a vendu, bio peut-être l'est il ?
Mais on s'en branle un peu, en fait, car je bois pas du pinard pour sauver le Monde ni pour donner des leçons de philo, seulement pour y prendre du plaisir.

Commentaires

  1. Juste un chiffre: parution de Sud-Ouest: 250 000 exemplaires.

    Comment cette presse peut-elle aujourd'hui justifier son statut avec la publication de tels articles dignes d'un publi-blog d'un gonze de 17 ans ? Qui va encore payer pour ça ?

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  2. C'est bien de répondre avec précision à ce tissus de préjugés. Je fais circuler

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  3. Au delà de certains poncifs bien décriés ici, le fond reste intact : en bio on a 17 fois moins (en moyenne)de résidus dangereux, et seulement 11 fois moins de pesticides, le cuivre étant l'un d'entre eux. Quand même, 11 fois moins, c'est mieux que rien, non ?

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    1. Oui, en outre selon certaines publis, le cuivre que l'on trouve dans le vin n'a pas pour origine le cuivre utilisé comme phyto

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